« Sioniste » de la première heure
Née « Golda Mabovitch » à Kiev au cœur de l'Empire russe, Golda Meir grandit aux États-Unis, à Milwaukee, dans une famille juive.
Après avoir fui un mariage forcé, elle milite dès ses 18 ans en faveur d’un .
En 1921, Golda Meir émigre en Palestine (sous mandat britannique). Avec son époux, elle résida d’abord dans un Kibboutz, avant de s’installer à Jérusalem. C’est au sein du kibboutz qu’elle fut désignée comme représentante auprès de la Histadrout, la principale organisation syndicale de Palestine. Elle occupa également des fonctions officielles, telles que déléguée à la Conférence d’Evian de 1938, censée évoquer la destinée des juifs persécutés en Europe, ou à la tête du puissant Département politique de l’Agence juive pour la Palestine, où elle œuvra pour l’intensification de l’immigration juive.
Au début de l’année 1948, elle était de retour aux Etats-Unis où elle réussit l’exploit de collecter la somme colossale pour l’époque de cinquante millions de dollars, principalement auprès de la communauté juive. Les « Cinquante millions de Golda », comme ils furent appelés, jouèrent un rôle clé dans la guerre d’indépendance, en permettant de financer des achats d’armes.
Le 14 mai 1948, Golda Meir est parmi les 24 personnalités qui signent la déclaration d'indépendance de l'État d'Israël.
Première femme Premier ministre d’Israël
D’abord ambassadrice en URSS, puis ministre du Travail de 1949 à 1956, elle reçoit en 1956 le portefeuille des Affaires étrangères dans le gouvernement de David Ben Gourion
Ben Gourion la qualifie de « seul homme de son cabinet », et lui fait changer son nom de famille pour un nom hébreu, Meir, qui désigne un « éclat brillant ».
En 1969, Golda Meir devient la première femme Premier ministre d’Israël.
Son mandat bénéficie alors de l’optimisme collectif insufflé par la victoire et les conquêtes israéliennes de la .
Optimisme, mais aussi intransigeance nourrie à la fois par un sentiment d’invulnérabilité, au lendemain du triomphe d’Israël, et par la rancœur à l’égard de ses ennemis. « Lorsque la paix viendra, déclara ainsi Golda Meir en 1969, nous pardonnerons peut-être aux Arabes d’avoir tué nos fils, mais il nous sera beaucoup plus difficile de leur pardonner de nous avoir forcé à tuer les leurs. »
L’échec diplomatique
Mais en 1973, l'incapacité des services secrets israéliens à prévenir correctement , suscite un bouleversement politique majeur. Dans ses Mémoires, Henry Kissinger note que la Golda Meir qui arrivait à Washington le 31 octobre 1973 pour des consultations avec le Président, était « bien différente de celle qui avait déclaré à Nixon avec une telle confiance, voire une telle insolence, quelques mois plus tôt : "Les choses n’ont jamais aussi bien marché". » Il ajoute que la guerre l’avait « ravagée » et que, si elle tenait encore fermement en main les leviers de commande de son pays, elle souffrait avec chacune des familles israéliennes éprouvées. Dans un tel contexte psychologique, Golda Meir devait, selon le secrétaire d’Etat, s’adapter à un contexte international nouveau.
Le 3 novembre, Kissinger lui affirma que les Israéliens avaient peut-être gagné la guerre d’un point de vue militaire, mais que, du point de vue diplomatique, ils n’avaient pas remporté la partie, ce qui les condamnait à des concessions. Meir répliqua qu’Israël ne remporterait jamais la bataille de la diplomatie. « Exactement, et c’est là que se situe la tragédie », acquiesça Kissinger. Golda Meir démissionna le 11 avril 1974 et Yitzhak Rabin lui succéda.
Textes d’Antoine Coppolani, Professeur d'histoire contemporaine à l’université Montpellier 3
Pour aller plus loin
Golda Meir, Ma vie, Robert Laffont, 1975.
La guerre israélo-arabe d’octobre 1973. Une nouvelle donne militaire au Proche-Orient, Pierre Razoux, Paris, Economica, 1999.
Paix et Guerre au Moyen-Orient, Henry Laurens, Paris Arman Colin, dernière édition.
Géopolitique du sionisme. Stratégies d’Israël, Frédéric Encel, Paris, Armand Colin, 2009.
Histoire du sionisme, Walter Laqueur, Paris, Tel Gallimard, 1994.
Sionisme socialiste
Le sionisme est un mouvement politique et religieux, visant à l’établissement, puis la consolidation d’un Etat juif (la Nouvelle Sion), en Palestine, avant la création de l’Etat d’Israël (dictionnaire Petit Robert).
Lorsque le premier Congrès sioniste se tint à Bâle, en 1897, il n’y fut pas question de socialisme. De fait, entre le nationalisme sioniste et le socialiste révolutionnaire la synthèse semblait impossible. A cette époque, les sionistes étaient pour la plupart antimarxistes, et les marxistes antisionistes. C’est alors que, en l’espace de trois décennies, intervint une évolution fondamentale. Les mouvements socialistes sionistes, comme le Poale Zion (qui apparaît au début de la décennie 1900) se développèrent et prirent une importance cruciale. Bientôt, le sionisme travailliste devint la branche majoritaire du mouvement sioniste international.
Plus qu’aucune autre, elle influença le devenir du mouvement et les premières décennies d’existence de l’Etat d’Israël. L’homme de la « synthèse » fut Ber Borochov, un théoricien né en 1881 en Ukraine et qui voyait dans l’implantation en Palestine la solution aux problèmes du prolétariat juif. La bourgeoisie, attirée par l’immigration, s’installerait à son tour en Palestine et le prolétariat, en poursuivant une juste lutte des classes, se poserait en avant garde du mouvement de libération nationale.
C’est le Poale Zion qui influença des leaders comme Golda Meir et David Ben Gourion. Golda Meir occupa des responsabilités importantes au sein de la Histradout, la principale organisation syndicale des travailleurs juifs en Palestine, dont Ben Gourion fut le premier secrétaire général. A son tour, la Histradout accompagna la naissance, en 1930 du Mapaï, qui avec son avatar du Parti travailliste, domina la vie politique israélienne jusqu’en 1977.
Golda Meir, membre du parti travailliste, lors d'un rassemblement pour la création d'un Etat juif en Palestine. Tel-Aviv, 16 septembre 1947.
Guerre des Six-Jours
La Guerre des Six-Jours opposa, entre le 5 et le 10 juin 1967, Israël à ses voisins égyptiens, jordaniens et syriens. La guerre éclata par une frappe préventive d’Israël, après une période de crise internationale, destinée à desserrer l’étau dans lequel l’Etat hébreu estimait être enfermé. Le président Nasser avait en effet obtenu de l’ONU le retrait des casques bleus qui, depuis la seconde guerre israélo-arabe, étaient stationnés le long de la frontière, à Gaza et dans le Sinaï. En outre, Nasser avait ordonné la fermeture du détroit de Tiran, dans la Mer Rouge, seul débouché maritime d’Israël, hormis la Méditerranée. La guerre débuta par des raids aériens mettant hors de combat l’armée de l’air égyptienne. Toutefois, la confusion des premières heures de la guerre n’empêcha pas la propagande égyptienne de crier victoire, ce qui entraina à leur tour la Jordanie et l’Egypte dans la guerre.
Au bout de six jours, l’Etat hébreu avait triplé sa superficie, en occupant le Sinaï et Gaza, le plateau du Golan pris à la Syrie et la Cisjordanie. Les forces israéliennes s’emparèrent également de la partie orientale de Jérusalem, où sont situés les Lieux Saints des trois grandes religions monothéistes : Mur des Lamentations, Dôme d’Omar, Mosquée Al Aqsa, Saint Sépulcre...
Ce tremblement de terre géopolitique modifia très en profondeur la donne du conflit israélo-arabe. Le problème des refugiés palestiniens fut aggravé, tandis que près d’un million d’entre eux vivaient désormais dans les territoires nouvellement occupés. La défaite fut une humiliation pour les Etats arabes vaincus et sema les germes d’une « revanche » espérée. Pour Israël, qui avait gagné en profondeur stratégique en acquérant un glacis protecteur, les territoires devenaient une monnaie d’échange. C’est d’ailleurs ce principe de « la paix contre les territoires » qui fut sanctionné par la résolution 242 des Nations Unies, adoptée le 22 novembre 1967. Mais les modalités concrètes d’une « paix juste et durable dans des frontières sûres et reconnues » demeuraient, et demeurent à ce jour, difficiles à définir et à mettre en œuvre.
Défilé annuel des soldats israéliens au pied de la citadelle et de la tour de David après la guerre des Six jours. Jérusalem, 1967
Guerre d’usure et Guerre d’Octobre 1973 (aussi connue sous le nom de Guerre du Kippour ou Guerre du Ramadan)
La « guerre d’usure » fut lancée par Nasser contre Israël dès le début de l’année 1968 et elle culmina en 1969 et 1970, soit jusqu’à sa mort. Elle visait à effacer la cuisante défaite de 1967 en harcelant les Israéliens le long du canal de Suez, désormais bloqué. En outre, Nasser s’appuyait de plus en plus sur les armes et équipement soviétiques, qui affluèrent en Egypte. Enfin, les liens avec les Palestiniens s’affermirent, ceux-ci attaquant les Israéliens sur leur flanc est, depuis la Jordanie. La montée en puissance des Palestiniens inquiéta le roi Hussein et le conduisait à déclencher les opérations de répression de Septembre noir, en 1970. Le 27 septembre, l’intervention de Nasser parvint à faire cesser les hostilités entre les Jordaniens et les Palestiniens, avant qu’il décède, le lendemain. Son successeur, Anouar el Sadate, mena une politique habile visant à récupérer les territoires perdus en 1967. Pour avoir les mains libres, il expulsa les conseillers soviétiques en juillet 1972. Il s’assura que les Saoudiens brandiraient l’arme du pétrole en cas de guerre avec Israël. Il noua par ailleurs une alliance militaire avec les Syriens. Ces éléments lui permirent de déclencher, par surprise, une attaque conjointe contre Israël, le jour du Yom Kippour 1973. Pris par surprise, Israël vacilla sous le choc, avant de reprendre pied. Le ministre de la Défense de Golda Meir, Moshe Dayan, estima que le « Troisième temple » (l’Etat hébreu lui-même) était sur le point de s’écrouler. La guerre dura du 6 au 24 octobre et se doubla d’une crise internationale très grave, requérant l’implication diplomatique et militaire (ponts aériens) des Américains comme des Soviétiques. La guerre d’Octobre eut pour effet de modifier considérablement l’équilibre diplomatique et psychologique dans la région. Convaincu qu’il n’aurait pas la paix avec l’Egypte sans rétrocession du Sinaï, Israël s’engagea avec ce pays dans un processus de paix sous les auspices américains. Il culmina avec les Accords de Camp David, en septembre 1978 et le traité de paix israélo-égyptien, en mars 1979.
Visite d'Anouar El-Sadate (1918-1981), homme d'Etat égyptien, en Israël. Golda Meir, ancienne Premier ministre israélienne, lui offrant un cadeau. 21 novembre 1977.
Véhicules abandonnés dans le désert du Sinaï après la guerre israélo-arabe d'octobre 1973.