La lutte pour la libération de la classe ouvrière
Issu d’une famille de la noblesse administrative russe, le jeune Vladimir Ilitch est marqué en 1887 par la pendaison de son frère, alors âgé de vingt ans, pour complot contre le tsar Alexandre III.
De formation juridique, nourri des écrits de , il diffuse ses idées révolutionnaires dans les cercles ouvriers, qu’il entend libérer de l’« oppression de la classe dominante ». Il milite dans le Parti ouvrier social-démocrate russe, membre de la IIème Internationale et s'oppose au leader réformiste Plékhanov.
Inquiété pour ses idées politiques, il est arrêté, puis déporté en Sibérie (1897-1900). Il prend le nom de Lénine, dérivé de la Léna, rivière sibérienne.
Souvent exilé à partir de 1900 en Suisse, à Londres, en Autriche ou en France, il développe au sein de la IIème Internationale sa conception de l’organisation d’un parti de révolutionnaires professionnels et de la dictature du prolétariat, notamment dans Que Faire ? (1902). Devenus majoritaires (bolcheviks) au sein du parti social-démocrate, les amis de Lénine marginalisent les minoritaires (mencheviks), partisans d’une alliance avec la bourgeoisie démocrate et d’une voie démocratique pour la conquête du pouvoir.
La révolution qui bouleversa l’histoire du XXème siècle
Après la révolution de février 1917 et la chute du tsar, les gouvernements modérés n'arrivent pas à instaurer une démocratie parlementaire dans un pays marqué par des siècles d'autocratie tsariste. Lénine quitte la Suisse pour la Russie en avril 1917 avec l'autorisation de l'Allemagne.
Il déclenche l’insurrection d’octobre 1917, aux côtés de et en s’appuyant sur les conseils d’ouvriers et de soldats, les soviets, dont le plus actif est celui de la capitale Pétrograd.
En novembre 1917, il est décrété que « le droit de propriété privée sur la terre est supprimé à jamais ».
Le contrôle ouvrier (par les soviets) est instauré sur les entreprises dont nombre sont nationalisées.
Les Bolcheviks s’emparent définitivement du pouvoir en chassant en janvier 1918 la Douma, assemblée constituante élue dominée par leurs socialistes révolutionnaires. Lénine devient le premier dirigeant de la Russie soviétique dont la nouvelle capitale est Moscou.
Une paix séparée est signée avec l’Allemagne à Brest-Litovsk (3 mars 1918).
Afin de propager la révolution communiste à travers le monde, Lénine fonde en 1919 la IIIème Internationale communiste ou Komintern, basée à Moscou. Les partis communistes qui la composent sont soumis à 21 conditions découlant de ses conceptions politiques : rejet de la social-démocratie et du parlementarisme, prépondérance de la classe ouvrière incarnée et pilotée par un parti communiste centralisé et sans tendances.
De 1918 à 1921, sévit une guerre civile violente entre l’Armée rouge soviétique et les « Blancs », partisans du tsar et opposants au nouveau régime, soutenus par les puissances occidentales.
Le « communisme de guerre », fortement coercitif, est enclenché : police politique (Tchéka) et camps de travail (goulag) sont les armes de la nouvelle dictature de parti unique.
En 1921, l’économie russe est exsangue et la famine tue plusieurs millions d’hommes. Lénine renoue alors partiellement avec l’économie de marché avec la NEP (Nouvelle Politique Economique), mais exerce, au moyen du Parti communiste, un pouvoir absolu.
Il fonde l’URSS en 1922 et, malade, décède moins de deux ans plus tard, sans avoir pu s'opposer à l'ascension de Staline dont il juge l'autoritarisme excessif. Il est embaumé et exposé dans le mausolée de la place rouge de Moscou.
L’image de Lénine fut un instrument de propagande du régime soviétique jusqu’à sa . Il est encore aujourd’hui considéré par de nombreux Russes comme le père de la nation russe moderne.
Textes de Rémy Pech, Professeur d'histoire contemporaine et ancien Président de l'université de Toulouse-Le Mirail.
Pour aller plus loin
Lénine, David Shub, Paris, Gallimard, 1972
Lénine, Jean Bruhat, Paris, Club Français du Livre, 1960
Lénine, le chef de sang et de fer, Hélène Carrère d'Encausse, Paris, Fayard, 1998.
Lénine, 1870-1924, Jean-Jacques Marie, Paris, Balland, 1904.
L'empire éclaté, Hélène Carrère d'Encausse, Paris, Flammarion, 1978.
L'Empire stalinien, Jean-François Soulet, Paris, Livre de Poche, 2000.
Karl Marx (1818-1883).
Né dans une famille de la bourgeoisie rhénane, Marx est un philosophe nourri des penseurs allemands notamment Kant, Hegel et Feuerbach. Mais il renonce à un projet universitaire pour se lancer dans l'action politique, d'abord par le journalisme avec la Nouvelle gazette rhénane censurée par le gouvernement prussien au cours des années 1840.
Il publie en 1848 avec son ami Engels, industriel fortuné, le Manifeste du Parti communiste, pamphlet révolutionnaire à portée universelle. Pourchassé sur le continent, il se réfugie avec sa famille à Londres où il vivote grâce à sa plume et aux subsides d'Engels. C'est là qu'il élabore progressivement une analyse économique monumentale du monde industriel dont Le Capital (livre premier paru en 1867) constitue le couronnement. Les thèmes développés sont : naissance et accumulation de la plus-value par l’exploitation du travail ouvrier, baisse tendancielle du taux de profit à l'origine des crises, lutte de classes devant amener la fin du capitalisme et l'avènement du socialisme.
Stigmatisant comme utopiques les autres penseurs socialistes tel Proudhon, il réussit à fonder en 1864 la Première Internationale, dont il prend le contrôle en éliminant successivement proudhoniens et anarchistes. Le marxisme prévaut comme doctrine dans le mouvement ouvrier allemand (fondation du parti social-démocrate en 1869), puis européen, mais l'Internationale est durement réprimée puis dissoute, et la Deuxième Internationale se constitue à Paris en 1889, sur la base de partis ouvriers nationaux.
Affiche de propagande avec Karl Marx, Friedrich Engels et Lenine, "Vive le Marxisme-Léninisme".
Léon Trotski ( Lev Davidovitch Bronstein ) (1879-1940)
Issu d'une famille juive de paysans ukrainiens, il milite au parti social-démocrate russe dans sa fraction minoritaire (menchevik). Animateur du Soviet (conseil ouvrier) de Pétrograd lors de la Révolution de 1905, déporté puis exilé, Trotski rencontre Lénine en 1913. Il devient un des acteurs majeurs de la révolution d'Octobre 1917, négocie avec l'Allemagne la paix séparée de Brest-Litovsk et forge dans l'urgence l'Armée rouge qui triomphe des régiments « blancs » fidèles au tsarisme, et tient en respect les contingents envoyés en Pologne et en Russie par les puissances occidentales.
Partisan de l'extension de la révolution russe en une révolution permanente à l'échelle du monde, il s'oppose à Staline qui veut d'abord consolider le « socialisme dans un seul pays ». Marginalisé à partir de 1923, il est exilé en Sibérie en 1929. Banni de l'URSS, il se réfugie dans divers pays occidentaux. Écrivant sans cesse et entouré de disciples, il constitue en 1938 une Quatrième Internationale qui ne peut rivaliser avec la Troisième, mais diffuse de par le monde l'idéal révolutionnaire. Réfugié au Mexique, il y est assassiné sur ordre de Staline.
U.R.S.S. Lénine, Trotski et autres personnalités lors du troisième anniversaire de la révolution d'octobre 1917. 7 novembre 1920.
Staline (Joseph Vissarionovitch Djougachvili) (1879-1953)
Géorgien, fils d'un cordonnier, d'abord destiné à la prêtrise, il s'engage dans le parti bolchevik et participe à toutes les luttes contre le tsarisme à partir de 1901. Son pseudo signifie « l'homme d'acier ». Lénine lui confie l'organisation du parti après la révolution d'Octobre 1917. Malgré les réticences de Lénine, il lui succède à la tête de l'Etat soviétique après avoir éliminé tous ses rivaux.
Il instaure un collectivisme forcé, y compris dans l'agriculture, avec les sovkhozes (fermes d'Etat), les kolkhozes (coopératives) et la dékoulakisation (élimination, souvent physique, des paysans aisés). Choisissant de consolider le régime soviétique sans chercher à l'exporter, il gouverne par purges, procès, déportations et assassinats, maintenant son pouvoir au prix de millions de victimes. Sur le plan international, il dresse les partis communistes soumis au Komintern contre tous les régimes capitalistes, y compris les démocraties.
À partir de 1934, il pratique pourtant une politique hostile aux dictatures d'extrême-droite, encourageant les fronts populaires. Mais, déçu d'avoir été tenu à l'écart de la conférence de Munich en 1938, il signe un pacte avec les nazis en août 1939, autorisant ainsi l'attaque de la Pologne et le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale. Hitler ayant brusquement attaqué l'URSS au printemps 1941, il mobilise le peuple russe pour résister à l'invasion. Dès 1943, les sièges de Stalingrad et Léningrad étant levés, l'armée Rouge devient l'instrument essentiel de la chute du nazisme, dans le cadre de la « grande alliance » avec les États-Unis et la Grande-Bretagne. Au 8 mai 1945, L'URSS contrôle désormais la plus grande partie de l'Europe centrale, dont l'Allemagne orientale. Elle y impose un collectivisme forcé et la dictature des partis communistes, suscitant l'opposition du monde occidental. La guerre froide divise le monde et se poursuit après la mort du dictateur. Une timide critique de sa politique émerge à partir du XXème Congrès du parti communiste soviétique en 1956, mais le régime reste figé sur le plan intérieur et dans une attitude répressive à l'égard des états satellites en révolte (Pologne et Hongrie 1956, Tchécoslovaquie 1968). Le stalinisme a levé une grande puissance industrielle, militaire et géopolitique. Mais la dictature impitoyable, les meurtres de masse et les atteintes aux droits de l'homme entachent à jamais son parcours.
Churchill, Roosevelt et Staline, lors de la Conférence de Yalta, février 1945.
La chute de l'Union soviétique (1989-1991)
Une économie épuisée par la course aux armements avec les Etats-Unis. Une position internationale érodée par la guerre d'Afghanistan. Des atteintes répétées aux droits de l'homme dénoncées par de prestigieux dissidents tels Soljenitsyne, Sakharov et Rostropovitch, qui invoquent les accords d'Helsinki signés par l'URSS en 1975. Un régime politique dont la sclérose apparaît aux yeux de tous après la mort en 1982 de Brejnev, auquel succèdent deux éphémères vieillards, Andropov et Tchernenko. Tel est l'héritage écrasant dont Mikhaïl Gorbatchev est pourvu lors de son accession au pouvoir en 1985. Ce spécialiste de l'agriculture connaît de l'intérieur les tares d'un système à bout de souffle. Il entreprend aussitôt un bilan sincère: la glasnost ou transparence et une réorganisation, ou perestroïka. Mais il est trop tard et l'empire soviétique, miné de l'extérieur (Pologne, Hongrie, Allemagne orientale) et de l'intérieur (Pays baltes), s'écroule. Le 9 novembre 1989, la chute du mur de Berlin déclenche la réunification de l'Allemagne et le début d'un processus qui aboutit en 1991 à la fin du pouvoir communiste et à la dissolution de l'URSS. Gorbatchev se refuse à utiliser la force pour s'y opposer et s'efface définitivement.
Chute du Mur de Berlin : la population escaladant le mur au niveau de la Porte de Brandebourg. 10 novembre 1989.